Cédric JACOB, infatigable passionné de Charles Baudelaire, poète et docteur en « Sciences de l'Univers » organise depuis de nombreuses années et notamment dans la ville de Nice une série de conférences autour de « science et poésie ». En ce printemps 2009, il donne aux jeunes lycéens trois conférences intitulées : « Astronomie et Poésie », le mercredi 11 mars, de 8h à 10h, avec la classe de première S, dans le cadre du cours de français «La Place de l'Homme dans l'Univers », le vendredi 20 mars de 10h à 12h, pour la classe de première S, dans le cadre du cours de physique. « Hommage à Charles Baudelaire et aux Fleurs du Mal », le jeudi 26 mars de 15h à 17h, pour les classes de première S et ES, et pour deux classes de seconde...( Binod KHAKUREL )
» Commentaire
Chantre de la ruralité et des amours courtoises, Jean-Louis Murat ne fait rien comme les autres. Pour preuve, Charles et Léo, son huitième album en six ans (!), effort d'interprétation de poèmes des Fleurs du mal, de Charles Baudelaire (1821-1867), mis en musique par Léo Ferré (1916-1993) mais que l'anar monégasque n'avait pas exploités. Qui se soucie encore des poètes d'antan ? Depuis Ferré (Baudelaire, mais aussi Rimbaud, Verlaine, Aragon) ou Ferrat (Aragon), l'exercice avait été pratiquement abandonné. Une exception : le deuxième Carla Bruni, en anglais (Yeats ou Emily Dickinson) et nullement à la hauteur de ses ambitions... ( Bruno Lesprit )
En ce moment, Jean-Louis Murat lit Anna Karénine. C’est l’histoire d’une femme qui se jette sous un train parce qu’elle ne supporte plus de souffrir. Son amant la torture. Son sac à main rouge reste à quai. Si elle avait lu Baudelaire, elle n’aurait pas fini comme ça. Une lucidité vivipare et teintée d’extase lui aurait servi de viatique. Elle aurait lu «Madrigal triste» : «Que m’importe que tu sois sage ?/ Sois belle ! Et sois triste ! Les pleurs/ Ajoutent un charme au visage, comme le fleuve au paysage ;/ L’orage rajeunit les fleurs.» Le texte évoque l’enfer du poète, son dégoût. Aucune femme sous le vent, sous le train, ne l’en sauvera... ( Philippe Lançon )
» Commentaire(1)
"Charles et Léo"... et Jean-Louis: le nouvel album de Jean-Louis Murat, qui sort le 1er octobre, marque la rencontre au sommet de trois poètes puisque le talentueux chanteur auvergnat y reprend des inédits de Léo Ferré sur des textes des "Fleurs du mal" de Baudelaire. Ferré avait consacré deux disques, "Les Fleurs du mal" (1957) et "Léo Ferré chante Baudelaire" (1967), à certains autres de ces poèmes vénéneux. Avant sa mort, le 14 juillet 1993, il avait confié à sa famille 22 inédits, enregistrés au dictaphone en version piano-voix. C'est son fils Mathieu qui a pensé à Murat pour les reprendre... ( AFP )
« Chef d’œuvre de réalité sauvage, un livre du plus grand style et d’une férocité magistrale ...» Encensée par plusieurs critiques, l’œuvre de Charles Baudelaire a pourtant fait l’objet d’une véritable accusation publique. « ...l’odieux y coudoie l’ignoble, le repoussant s’y allie à l’infect » s'insurgeait un critique littéraire dans le Figaro du 5 juillet 1857...
S’il est pertinent d’opposer ou du moins de distinguer, ainsi que Pierre Macherey l’a proposé dans la séance d’introduction le fait d’être moderne, c’est-à-dire le fait d’appartenir à une époque historique déterminée sur le mode d’une condition temporelle passivement subie, et la conscience de modernité comme l’effet d’une disposition active de l’homme moderne qui le conduit à interroger son mode d’être en vue d’en extraire une analyse ou une interprétation de sa propre identité présente, alors il faut bien admettre que l’œuvre de Charles Baudelaire se situe du côté de cette seconde catégorie dans la mesure où elle s’attache précisément à circonscrire les conditions de constitution de la modernité en l’expérimentant aussi bien sur le plan “théorique” de la réflexion critique que sur le plan directement poétique de son élaboration et de ses expressions littéraires... ( Philippe Sabot )
" Pour être juste, c'est à dire pour avoir sa raison d'être ", la critique - pour Baudelaire - " se doit d'être partiale, passionnée, politique, faite à un point de vue exclusif… " Voilà un moyen, sinon habile, un moyen en tout cas de faire l'impasse sur une culture picturale dérisoire … mise en regard de celle d'un Charles Blanc ou autre critique d'art contemporain comme Etienne Jean Delécluze... " la Petite Odalisque, cette délicieuse et bizarre fantaisie qui n'a pas de précèdent dans l'art ancien. " Enfin Baudelaire prend un risque; à tort à notre avis, n'ayant pas trouver le temps entre trois verres d'absinthe de se déplacer, ne serait-ce qu'à Fontainebleau pour considérer les fresques du Primatice. Il n'est pas impossible d'autre part que Bronzino fusse pour lui un sculpteur; peu représenté au Louvre il est vrai, si ce n'est à l'époque par un seul portrait et Le Christ et la Madeleine. Un pareil tableau, religieux, a peu de chance de séduire Baudelaire - quoiqu'en un temps la Madeleine fusse intéressante - mais n'indique pas que Bronzino puisse peindre un sujet aussi différent que l' allégorie de la Luxure dévoilée par le temps ou Vénus...
Le motif de la peau chez Baudelaire peut déconcerter à plusieurs niveaux. Ce tissu, le premier centre de communication selon Didier Anzieu, permet de ressentir la douleur et le plaisir, deux sensations qui sous-tendent les poèmes baudelairiens. La peau permet de ressentir, mais aussi d'exprimer ce que nous éprouvons et d'échanger nos pensées. Chez Baudelaire la peau s'allie avec le motif double de pénétration et d'ouverture car elle est à la fois perméable et imperméable. On y retrouve aussi le phénomène d'élévation et d'expansion caractéristique cher au poète. Les diverses agressions de l'épiderme dans ses poèmes doivent nous interpeller. Elles n'ont pas seulement trait au sadisme, à la castration ou encore à la torture comme le suggèrent Robert Smadja ou Fabrice Wilhelm. Les métamorphoses de la peau s'inscrivent aussi dans la modernité baudelairienne : « le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art » ...( Jacqueline Couti )
Baudelaire s'est gardé de regrouper ses idées dans un manifeste, refusant de construire un système définitif. Sa réflexion est cependant capitale pour l'évolution du genre poétique. Pour lui, en effet, le poète est un témoin privilégié de son temps, dont il met en valeur la « modernité ». Ennemi d'un art à thèse ou à thème, il est au service exclusif du Beau... En réaction contre les romantiques, Baudelaire préconise de chercher au-dedans de soi une façon plus authentique de sentir. De même, il se détache des parnassiens et des théories de « l'art pour l'art », qu'il juge stériles. Enfin, il s'écarte du réalisme, préférant à la nature les chimères de son imaginaire... Désabusé, lassé et amer, Baudelaire avait un sens aigu de l'ennui et du néant de son existence. « Je crois que j'ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d'oeuvre. Cependant je laisserai ces pages, car je veux dater ma tristesse », écrit-il dans Fusées...
Rencontrer Baudelaire pour la première fois, c’est recevoir la première gifle absolue de la poésie. Un certain nombre d’intuitions décisives transforme l’amateur, le lecteur, qui découvre soudain que ce qu’il croyait être la parole en son pouvoir d’incandescence, « la parole en érection » comme l’affirme Séféris, n’était, dans la plupart des cas, que l’art, souvent d’ailleurs honorable, de faire des vers. L’amateur croyait au corps de la langue et que celui-ci était capable de prouesses et voici qu’il découvre une autre réalité, voire une autre vérité, vérité seconde, à savoir que ce corps est d’écorché. Que c’est dans sa fragilité et sa vulnérabilité que le corps de la poésie est essentiel et touche à de l’essentiel, que la fleur de splendeur couvre le mal mais qu’elle ne saurait l’éliminer, ni même l’escamoter, que le “parler vrai” de la poésie...( Salah Stétié )